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Sur les Bords du Jourdain

Depuis une année, j’avais suivi Jean dans ses lieux de retraites, bravant tous les conforts pour trouver la sérénité spirituelle de ces ermites que l’on dit cachés dans la solitude des montagnes de Galilée.

Jean était un maître. Son détachement des affaires du monde semblait infaillible. Il menait une existence frugale, se nourrissant de racines, de miel d’abeilles et de sauterelles grillées. Son pagne en peau de chameau lui suffisait pour se protéger des gelées nocturnes de l’hiver comme des canicules des jours d’été. Son verbe était celui d’un homme sage qui refusait la compromission avec les rois ou l’hypocrisie et les faux semblants des prêtres d’Israël. C’est pourquoi, il avait fui Jérusalem et son Temple.

 

Bien qu’entouré de quelques disciples, il ne se considérait pas comme un prophète, encore moins comme le Messie attendu par le peuple d’Israël et la secte des Esséniens. 

 

On l’appelait Jean le Baptiste car il purifiait les foules de leurs péchés avec les eaux du Jourdain. L’eau qui passait par ses saintes mains avait cette qualité qui soustrait les maux de l’âme et guéri le corps, et cela attirait les foules. Il semblait avoir ce pouvoir sur les éléments qui distingue les grands maîtres. Beaucoup pensaient qu’il était le prophète Elie réincarné en Judée. Lorsqu’on le lui demandait, il répondait :

Moi, je suis celui qui crie dans le désert :

Retrouvez le droit chemin du Seigneur ! 

 

Nous étions ce jour-là sur la rive orientale du Jourdain. Un homme de haute stature s’approcha de Jean. On me chuchota qu’il était son cousin. Après un long moment où nous les vîmes discuter à l’écart de la foule, l’Homme mis ses pieds sur le sable gris et marcha dans l’eau avec Jean à ses côtés. Jean pris une écuelle et versa quelques gouttes sur la fontanelle de l’Homme et il déclara :

Voici au milieu de vous, quelqu’un que vous ne connaissez pas.

Il vient après moi, mais il m’a précédé depuis la Nuit des Temps.

Moi je baptise avec de l’eau. Lui vous baptisera avec l’Esprit Saint.

 

Le temps semblait s’être arrêté. Un silence prégnant avait envahi la foule médusée par l’aura de l’Homme que leur présentait Jean. Le crissement des galets sous l’effet du courant avait cessé. La rivière s’était ralentie, semblant vouloir absorber pour elle-même, l’atmosphère sacrée qui régnait désormais.

Mon regard ne quittait plus l’Homme. J’entendis, au loin, Jean ajouter :

Quant à moi, je ne suis même pas digne de toucher ses sandales.

Voici l’Agneau de Dieu qui guérit des péchés de ce monde.

 

Mais mon esprit n’était déjà plus auprès de mon maître. Je demandai à l’Homme :

D’où viens-tu, où habites-tu ?

Et Il me répondit :

Viens et vois !

 

Depuis ce jour, je l’ai suivi sur les routes de Galilée et de Judée. Mais surtout, je l’ai suivi sur les routes de l’Éternel. Dans l’instant où ses pieds sacrés avaient touché la rivière, j’avais compris qu’il était le Messie.

 

André

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William Blake, le Baptême du Christ
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